Des secteurs révolutionnaires à Londres – « Marxism 2013 » et son contexte
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Militant trotskyste aux Etats-Unis, historien marxiste renommé, l’auteur avait été invité à intervenir dans le cadre du cycle de conférences publiques, intitulé Marxism, que le SWP de Grande-Bretagne organise chaque année au début de l’été. C’est de cet événement et des échanges qu’il a eus à cette occasion, dans le contexte particulier de la crise que ce parti traverse en 2013, que Paul Le Blanc rend compte ici.
Comme il le rappelle dans son texte, l’auteur est désormais membre de l’ISO (International Socialist Organization, la principale formation de la gauche révolutionnaire aux Etats-Unis, exclue en 2001 de l’IST, le courant international du SWP britannique), alors qu’il provient et continue de se réclamer d’une tradition politique différente, celle de la section états-unienne de la IV° Internationale (l’ancien et défunt SWP de James P. Cannon et Joseph Hansen – à ne pas confondre avec son homonyme insulaire). – Jean-Philippe Divès
Texte traduit de l’anglais par Jean-Philippe Divès. Sauf indication contraire, les notes (qui reprennent surtout des liens hypertexte) sont de l’auteur ou de l’éditeur du texte originel. L’original anglais paru sur Links International Journal of Socialist Renewal (Australie) est disponible sur ESSF (article 29361).
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Par Paul Le Blanc
Le Socialist Workers Party (SWP) [1] est en Grande-Bretagne une importante organisation d’extrême gauche, qui, entre autres, organise une conférence annuelle de formation – Marxism – à Londres. Le SWP traverse une crise qui n’est qu’un aspect d’un phénomène beaucoup plus large, qui se manifeste de façon globale à l’intérieur de la gauche révolutionnaire : la recomposition du mouvement socialiste révolutionnaire en tant que force politique, allant de pair avec les luttes d’une classe ouvrière diverse contre les effets de l’actuelle crise mondiale du capitalisme.
Je souhaite présenter ici un rapport de ce que j’ai été à même d’observer lors de ma participation à Marxism 2013 [2] (11 au 15 juillet 2013). Je traiterai aussi de plusieurs questions, discussions, débats en rapport avec la tradition léniniste et sa relation aux réalités et luttes de notre temps.
Je me baserai en partie sur ce que j’ai été en mesure d’observer (au cours de Marxism 2013 et de deux « meetings parallèles » organisés par l’International Socialist Network [3] – Réseau Socialisme international), mais aussi sur des discussions approfondies avec des membres de ce réseau, ainsi que de l’Anti-Capitalist Initiative [4], de Counterfire [5] (« Contrefeu »), un groupe qui s’est constitué il y a quelques année, après que les dirigeants du SWP John Rees et Lindsay German ont quitté cette organisation, ainsi que des membres du SWP, supporteurs de la majorité comme oppositionnels, et d’autres participants à la conférence, non membres du SWP.
Comme je l’ai dit à Alex Callinicos pendant un très utile entretien que nous avons eu en tête-à-tête au début de cet événement, je considère tous ces secteurs comme révolutionnaires et suis favorable à discuter avec tous. Alex est convenu que c’était logique pour quelqu’un dans ma position – même si j’imagine qu’il sera en désaccord avec certaines des conclusions auxquelles je suis parvenu.
Les antécédents
Le SWP était devenu au début de ce siècle l’un des secteurs de la gauche révolutionnaire les plus forts à l’échelle internationale, avec plusieurs milliers de membres, dans ses rangs ou à sa périphérie un nombre impressionnant d’intellectuels, et une couche de membres actifs qui avait démontré à plusieurs reprises qu’elle pouvait faire la différence dans les mouvements sociaux et les luttes, sur une multitude de terrains et problèmes générés par le statu quo capitaliste. Cette fusion à un haut niveau de la théorie marxiste et d’une base militante puissante, unies et mobilisées à travers une variante particulière de pratique organisationnelle léniniste, en avait fait une force qui devait être prise en considération non seulement par l’ennemi capitaliste mais aussi par d’autres secteurs à gauche, partageant ses objectifs mais divergeant avec tel ou tel aspect (ou de nombreux aspects) de sa pratique. Il y a eu des accusations à propos de méthodes sectaires, manipulatrices ou musclées mises en application dans le cadre de mobilisations larges, mais je ne suis pas en situation d’avoir à ce sujet un jugement indépendant.
La crise actuelle a été déclenchée par un scandale impliquant une figure centrale de la direction du SWP, accusée d’abus sexuel, en fait de viol sur une camarade femme, ceci s’étant accompagné par ce qui semble avoir été une tentative d’étouffement de l’affaire. Cela a été suivi d’une enquête bâclée, exonérant le dirigeant accusé, puis de la mise en application d’un « centralisme » musclé interdisant toute discussion supplémentaire sur la question. Ces faits ont naturellement généré une remise en cause profonde (en fait, ont aiguisé des questionnements et des divergences que certains avaient déjà) au sujet de ce que certains ressentaient comme un mode de fonctionnement non démocratique, imposé au nom du « léninisme » et du « centralisme démocratique ». Des questionnements à propos de l’attitude hostile du SWP envers le féminisme (critiqué comme une forme de « politique identitaire » supposée incompatible avec la politique de classe du marxisme) ont également émergé.
Plusieurs centaines de membres, en particulier des étudiants et des jeunes, ont quitté l’organisation, certains d’entre eux mettant en place l’assez diffus International Socialist Network (ISN) [voir note 3] – qui par son nom fait référence à la tradition dite du « socialisme international » [6] (embrassant une conception du socialisme par en bas et de l’internationalisme révolutionnaire, incompatible avec le réformisme et le stalinisme) sur laquelle le SWP s’est construit. Il est cependant clair que tous les membres de l’ISN ne sont pas sur la même longueur d’ondes – il y a des vues différentes sur une série de questions, avec ce qui pourrait apparaître comme des trajectoires divergentes. Il y a beaucoup plus de questions que de réponses, au-delà de la colère partagée sur la façon dont le scandale sexuel a été géré dans le SWP. Il m’a semblé que cela s’est reflété en partie dans le fait que le meeting parallèle de l’ISN « Inclure le mot F : le féminisme et la gauche » (traitant spécifiquement de ce scandale) a bénéficié d’une participation nombreuse et dynamique, tandis que son autre meeting parallèle, sur la recomposition et l’organisation à gauche, a été assez petit et plutôt confus.
Plusieurs centaines d’autres opposants sont restés dans l’organisation, organisés en fraction ou tendance pour lutter contre ce qu’ils considèrent comme une rupture du SWP avec cette tradition et avec un authentique centralisme démocratique. (Dénoncés comme des fractionnalistes, ils répondent que la direction du SWP fonctionne elle-même comme une fraction). Certains de ces opposants semblent engagés sur une voie consistant à rester dans l’organisation et à la transformer, tandis que d’autres paraissent sceptiques sur les possibilités d’un tel changement et pourraient être peu désireux de peiner pour le restant de leur vie politique dans une organisation qu’ils considèrent comme sévèrement atteinte.
Parmi ceux qui restent au SWP et ne sont pas dans l’opposition, donc peuvent être comptés dans la majorité, il semble y avoir divers secteurs. Certains paraissent réellement fonctionner avec une unité de vues et une discipline interne qui correspondent à ce que je comprends comme étant une fraction, et semblent croire que ceux des opposants qui sont encore membres du SWP vont et devraient se retrouver bientôt en dehors de l’organisation. D’autres semblent avoir un point de vue différent – voulant absolument maintenir l’unité de l’organisation, mais une unité dont ils espèrent qu’elle inclura les opposants ainsi qu’un niveau important de démocratie.
En outre, une nouvelle et sérieuse accusation d’inconduite sexuelle a été portée contre le camarade qui avait été exonéré après l’incident précédent, et il y a cette fois des indications selon lesquelles il pourrait y avoir des procédures et des résultats plus appropriés [7]. Certains camarades de la majorité considèrent cela comme très important pour résoudre les problèmes qui sont apparus. Certains des camarades oppositionnels sont d’accord, mais semblent insister sur le fait que cela ne fera pas s’évaporer certains des plus sérieux problèmes de fond en rapport avec la crise interne.
Le contexte
Les développements internes au SWP ne peuvent être compris correctement sans se référer aux développements extérieurs à l’organisation. Il ne sera pas possible de donner ici une vue générale des réalités socio-économiques de la Grande-Bretagne, ni de la gauche britannique, mais trois développements en particulier sont pertinents pour comprendre les sujets discutés dans ce rapport : la People’s Assembly against Austerity (Assemblée populaire contre l’austérité), Left Unity (Unité de gauche) et Revolutionary Unity (Unité révolutionnaire). La People’s Assembly [8] s’est tenue le 22 juin à Londres, avec le soutien de fractions importantes du mouvement syndical, d’associations locales, de groupes d’extrême gauche et d’autres secteurs. Plus de 50 personnalités connues – dont des dirigeants de syndicats importants, des députés du Parti travailliste, des dirigeants centraux d’organisations socialistes (incluant le Parti communiste britannique, Socialist Resistance et Counterfire, mais pas le SWP) – avaient adopté un appel, publié dans The Guardian [9], « à ces millions de gens en Grande-Bretagne qui font face à une année d’incertitude et de plus grande pauvreté, alors que leurs salaires, leurs emplois, leurs conditions de travail et leurs prestations sociales font l’objet d’attaques renouvelées de la part du gouvernement. »
Citant des estimations selon lesquelles « quelque 80 % des mesures d’austérité [sont] encore à venir, et alors que le gouvernement allonge la durée pendant laquelle il prévoit de les appliquer », l’appel propose non seulement une journée d’actions de protestation mais aussi la création d’un réseau d’assemblées populaires, à travers toute la Grande-Bretagne, afin « d’unifier les campagnes contre l’austérité et les privatisations, avec les syndicats, dans un mouvement pour la justice sociale » et ainsi « développer une stratégie de résistance capable de mobiliser des millions de gens » pour bloquer les mesures d’austérité et renverser le gouvernement conservateur.
Plus de 4.000 personnes ont participé à cet événement – une série d’interventions qui y ont été faites pouvant être trouvées sur le site de la People’s Assembly. Les rapports sur son déroulement sont en général assez positifs. Outre un engagement à construire des assemblées populaires dans chaque ville et localité du pays, il y a eu un accord pour organiser une manifestation de masse le 29 septembre, à l’occasion du congrès du Parti conservateur à Manchester, et un jour de désobéissance civile de masse « partout » le 5 novembre.
Il faut ajouter que des divers groupes d’extrême gauche investis dans la People’s Assembly, Counterfire [10] apparaît comme étant le plus en pointe, même si cette initiative semble être un véritable front unique, non dominé par un courant particulier.
Certaines des personnalités investies dans la People’s Assembly – en particulier Ken Loach, l’éminent cinéaste, et Kate Hudson, la secrétaire générale de la prestigieuse Campagne pour le désarmement nucléaire – ont été à l’initiative d’un autre appel, intitulé Left Unity (« Unité de gauche ») [11]. Cet appel est lié au récent documentaire de Loach, The Spirit of ’45 (« L’Esprit de 45 »), qui décrit dans des termes très inspirés les vastes programmes sociaux, débouchant sur ce qu’on a appelé le Welfare State (Etat-providence), lancés par le Parti travailliste et ses partisans après leur victoire écrasante dans les élections de 1945.
Notant que « l’Etat-providence est démantelé par la coalition gouvernementale, ce qui provoque de grandes souffrances pour les plus démunis de la société et détériore les conditions de vie de millions de gens ordinaires », Left Unity note que « le Parti travailliste n’offre pas une opposition ferme à l’austérité et apparaît au contraire comme ayant totalement adopté les politiques néolibérales, en mettant en avant son propre label d’austérité et de privatisation ». Il appelle à discuter de la « formation d’un nouveau parti politique de la Gauche, afin de rassembler celles et ceux qui veulent défendre l’Etat-providence et offrir une alternative économique à l’austérité ». En très peu de temps, 9.000 personnes se sont engagées à participer. D’un autre côté, il y a dans la People’s Assembly des forces significatives – dont des membres du Parti travailliste, du Parti Vert et des syndicats – qui ne comptent pas s’engager dans le projet Left Unity.
Certains de ceux qui sont investis dans Left Unity, non totalement satisfaits d’une entité se projetant comme un prolongement de la vieille aile gauche du Parti travailliste, ont commencé un débat intense sous le label de l’Unité révolutionnaire. Cela inclut l’IS Network, Socialist Resistance [12] (une section de la IV° Internationale petite mais expérimentée) et l’Anti-Capitalist Initiative [voir note 4] (un groupe de jeunes militants qui ont été très investis dans le mouvement Occupy et dans des mobilisations anti-austérité, en particulier en milieu étudiant).
Marxism 2013
Lorsque j’ai été invité à intervenir à Marxism 2013, et ai décidé – après consultation de la direction de mon organisation (l’International Socialist Organization, ISO) – de participer, j’étais informé que certaines personnes ayant participé précédemment à de telles initiatives du SWP avaient décidé de le boycotter publiquement. Je n’avais pas de désaccord avec leur décision, mais on ne m’avait pas demandé de participer à un tel boycott et je pensais qu’il serait pour moi plus fructueux d’entrer en contact avec des camarades dans le SWP. J’ai alors été attaqué par un blogueur états-unien parce que je serais ainsi venu en aide au « Socialist Rapist Party » (« parti socialiste des violeurs ») – mais cela ne m’a pas convaincu.
Quelques jours avant l’ouverture de Marxism 2013, la direction du SWP avait suspendu de l’organisation quatre opposants, et licencié un de ses permanents, pour avoir été impliqués dans la mise en place d’un site Internet de l’opposition [13], et j’ai été invité par certains camarades non membres du SWP à retirer mon accord de participation – mais ce n’était pas quelque chose qu’à cette étape j’étais prêt à faire. Je voulais en savoir plus sur ce qu’il se passait, et aussi, autant que possible, entrer en relation et échanger des idées avec beaucoup de ces révolutionnaires (membres du SWP, opposants et autres). Il s’avère qu’à la suite d’’une lettre ouverte de quelque 200 membres du SWP, additionnée à une certaine pression interne, les suspensions ont été rapidement annulées.
Ce que j’ai vu à Marxism 2013 est un événement de cinq jours, bénéficiant d’une participation importante et très bien organisé, qui comprenait des dizaines de sessions simultanées très intéressantes, concernant à différents niveaux la politique, l’économie, les questions sociales, la culture, les sciences et d’autres domaines encore. Il y avait beaucoup d’énergie, d’ouverture, et c’était intellectuellement très stimulant.
De nombreux membres du SWP et quelques non membres y ont présenté des communications. J’ai pu entendre Colin Barker sur la nature de la révolution socialiste, Mike Gonzales sur l’impact de Hugo Chávez et du processus révolutionnaire au Venezuela, Gilbert Achcar sur la dynamique du processus révolutionnaire arabe, Megan Trudell sur les us et abus d’Antonio Gramsci, Ian Birchall sur Jean-Paul Sartre (dans une salle trop petite, j’en ai peur, mais j’étais prêt à m’assoir au sol), Adrian Budd sur le développement de la Chine comme nouveau super-pouvoir, Jess Edwards sur la compréhension du SWP des différences entre Lénine et Luxemburg, et Amy Leather expliquer le processus d’accumulation du capital dans le cadre d’une « introduction générale à l’économie marxiste ».
Il y a eu également la session d’Alex Callinicos sur « Le léninisme au 21e siècle ». J’étais naturellement présent à mes propres présentations – un diaporama sur les peintures murales aux Etats-Unis du grand artiste révolutionnaire mexicain, Diego Rivera, une table ronde sur comment les révolutionnaires devraient s’organiser, incluant également Esme Choonara et Gilbert Achcar, et une discussion sur « L’histoire et l’avenir du léninisme » (ce rapport reviendra sur ces deux dernières sessions). Et bien évidemment, il y a eu de stimulants meetings d’ouverture et de clôture, avec des intervenants internationaux et britanniques, dont des dirigeants centraux du SWP britannique.
Particulièrement intéressantes ont été, lors du meeting de clôture, les remarques énergiques de Eamonn McCann, vétéran du mouvement des droits civiques en Irlande du Nord et membre dirigeant du SWP irlandais. Il a insisté sur le fait que lui et ses camarades n’avaient pu être efficaces dans les luttes irlandaises que parce qu’ils s’opposaient à l’oppression sous toutes ses formes et avaient démontré qu’ils étaient dignes de confiance ; et, sans citer de noms, sur le fait que les tous les révolutionnaires devraient s’opposer au sexisme, y compris au sein de leurs propres organisations, et que c’est là une question de principes. Il semble qu’une majorité des participants ait accueilli ces propos avec enthousiasme, tandis que certains évitaient d’applaudir cet aspect de son intervention.
Une participation totale que j’estimerais à un peu plus de 2.000 personnes m’a paru bonne, mais des camarades situés des deux côtés de la polémique en cours au sein du SWP notaient que celle de l’année dernière était bien plus importante – entre 4.000 et 5.000. Il y avait dans l’assistance une série de jeunes, même si la proportion des plus de 40 ans était plus élevée. Il y avait quelques personnes de couleur, un rôle très important était joué par des femmes, et la plupart des participants appartenait, sans surprise, à un secteur ou l’autre de la classe des travailleurs.
Toute la conférence a été traversée par une tension sous-jacente – j’ai entendu plus d’une remarque, d’un partisan de la majorité à un autre, reflétant de l’hostilité envers l’opposition, et le même genre de choses (mais plus en sourdine, et allant en sens opposé) parmi des opposants. A plusieurs reprises, dans une session ou une autre, il y a eu des polémiques ouvertes et des éruptions de colère. Cela a été particulièrement le cas dans les sessions consacrées au léninisme et à « la question de l’organisation ».
Le « réformisme de gauche »
La communication de Callinicos m’a semblé significative de plusieurs points de vue. L’un était l’accent qu’il mettait sur ce qu’il décrivait comme une résurgence du « réformisme de gauche » – dont des exemples peuvent être donnés par Syriza en Grèce, par le film de Ken Loach L’Esprit de 45, par le projet de la Left Unity et l’action de la People’s Assembly. Il a poursuivi en ajoutant que le SWP accueillait favorablement aussi bien Left Unity que la People’s Assembly, et qu’il participerait aux deux, mais qu’il établissait une distinction nette entre l’approche léniniste et ce qu’il décrivait comme la dégénérescence politique de John Rees, qui apporte une couverture de gauche au réformisme de la bureaucratie syndicale en affirmant qu’il est « ridicule » de croire que les grèves sont supérieures aux manifestations et aux expressions d’action directe [14].
Cette formulation opportuniste, argumentait Callinicos, substitue le « mouvementisme » à la lutte de classe du prolétariat. Cela me paraît problématique, en particulier dans une situation où la majorité de la classe ouvrière d’aujourd’hui se trouve en dehors des syndicats et, nécessairement, participe aux luttes à travers des actions de masse organisées par des mouvements sociaux de l’extérieur des lieux de travail. Ceci est en rapport avec un autre aspect controversé, dans le SWP et autour de lui. Il me semble que les êtres humains qui constituent la majorité ouvrière se trouvent dans différents secteurs (incluant divers métiers et qualifications d’ouvriers et d’employés, tout comme ceux qui sont actuellement sans travail) et sont caractérisés par une grande diversité d’identités (incluant le genre, la race, l’ethnicité, la sexualité et d’autres encore), soumises à différents types d’oppression que les révolutionnaires et d’autres doivent comprendre, en y répondant au travers de divers mouvements et luttes – inséparables de la lutte générale de la classe ouvrière pour une vie meilleure pour tous. Ce qui est écarté comme du « mouvementisme » peut ainsi être essentiel à la lutte de classe véritable, celle de la vraie vie.
En soulignant l’accent mis par Georg Lukacs sur les contributions spécifiques de Lénine touchant à la question du parti, Callinicos a insisté sur la nécessité de construire le SWP comme un parti révolutionnaire unifié sur des bases léninistes, de centralisme démocratique. Reconnaissant que le SWP avait développé sa propre version du centralisme démocratique, il a insisté sur le fait que cela lui permettait de « boxer au-dessus de sa catégorie » (« punch above its weight ») – avec une direction élue disposant d’un pouvoir exécutif très important, en faisant en sorte que les discussions dans les rangs du parti aboutissent à des décisions, le temps du débat devant laisser la place à l’unité dans la mise en œuvre de ce qui a été voté. Les opposants qui veulent améliorer le léninisme semblent oublier que l’unité révolutionnaire est essentielle pour l’efficacité politique. Maintenir des tendances permanentes est une violation de la véritable démocratie, un véritable parti révolutionnaire ne peut pas être un club de discussion, etc.
A la suite d’une discussion explosive et polarisée, Callinicos – après quelques commentaires conciliants – a réaffirmé l’importance du SWP en tant que parti révolutionnaire discipliné et a adressé aux opposants une question provocante. Il les assurés qu’ils échoueraient à gagner une majorité dans le SWP, qu’ils perdraient. « Et alors, que ferez-vous ? » leur a-t-il demandé. Choisiront-ils de demeurer dans le parti, ou se trouveront-ils incapables d’accepter la décision de la majorité ? Il a exprimé l’espoir qu’ils choisiraient de rester dans le parti.
Etant donné la façon dont il a défini le léninisme du SWP, les implications de sa question semblaient toutefois claires. Vu l’extrême polarisation des débats et la façon dont Callinicos a cadré la discussion, il m’a semblé qu’une nouvelle scission dans l’organisation était probable. Cela semblait aussi être la conclusion de beaucoup d’autres, des deux côtés, tout comme de personnes extérieures telles que moi.
Le léninisme de notre temps
Des problèmes posés durant cette session (ainsi que des aspects de son débat tendu et polarisé) ont débordé sur d’autres sessions auxquelles j’ai assisté, et se sont également invitées dans celles où j’ai fait des présentations sur l’organisation révolutionnaire et le léninisme.
Lors de la table ronde sur l’organisation révolutionnaire, des thèmes similaires ont été abordés dans les commentaires d’Esme Choonara : avertissements contre le réformisme de gauche, insistance sur le besoin d’un parti léniniste, la nécessité de « boxer au-dessus de notre catégorie » et donc celle de l’unité dans l’action, le caractère inadmissible des tendances permanentes, l’importance du centralisme démocratique – lorsqu’il y a eu un vote, la discussion cesse et l’unité dans l’action commence. Elle a ajouté que Marxism 2013 démontrait que le SWP n’était en aucun cas non démocratique, que c’est « un groupe de gens plein de vie et d’énergie ».
Mes propres commentaires en tant qu’intervenant ont été centrés sur le fait qu’en réalité, le SWP n’est pas un parti révolutionnaire dans le sens où Lénine le définissait dans les premières pages de La Maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») : une couche d’avant-garde révolutionnaire d’une classe ouvrière consciente d’elle-même n’existe pas encore, et le SWP n’a pas un contact intime avec la majorité de la classe ouvrière. Le rôle des léninistes n’est pas de prétendre qu’ils seraient un parti révolutionnaire, mais de créer les préconditions pour l’émergence d’un tel parti. Ne pas le comprendre peut conduire à un fonctionnement sectaire et à des pressions internes destructrices.
Gilbert Achcar a développé des points similaires et a pu enrichir la discussion en se référant à la section française de la IV° Internationale, à laquelle il a participé pendant plusieurs années. Tout en n’étant pas en faveur des tendances permanentes, il a pu rapporter que pendant près de quatre décennies, la section française a été capable de se développer et d’être efficace en appliquant une variante de léninisme très différente de celle du SWP, et avec l’existence d’une tendance permanente.
Dans ma session sur « l’histoire et l’avenir du léninisme », j’ai repris une partie de la longue présentation que j’avais faite en Australie (où nos camarades révolutionnaires se trouvent dans un processus de rassemblement plutôt que de division [15]). Je citerai ici l’extrait de la communication à Marxism 2013 qui a généré le plus de controverse, puis mentionnerai les critiques formulées par certains camarades, et conclurai par mes réponses à ces critiques. Voici l’extrait en question :
"« [Après une longue citation de Lénine en 1915, soulignant la centralité de la démocratie dans la lutte pour le socialisme.] La centralité de la démocratie dans la lutte pour le socialisme s’applique non seulement dans les luttes sociales et politiques à l’intérieur de la société, mais aussi dans la structure interne et la pratique des organisations révolutionnaires elles-mêmes. Dans mon livre Lénine et le parti révolutionnaire et en d’autres endroits, j’ai écrit pas mal de choses sur la signification et la pratique actuelles du concept de « centralisme démocratique » – ce que Lénine avait défini comme pleine liberté de discussion et unité dans l’action –, et d’autres ont écrit aussi sur la question. Il a été documenté que l’organisation bolchevique avait un niveau très élevé de démocratie interne. Nous avons déjà relevé que cela avait changé de façon dramatique sous la domination de Joseph Staline. Il s’est agi d’un développement désastreux, largement causé par la dévastation et l’isolement de la Russie soviétique au bout d’années de guerre civile, combinés à l’arriération économique extrême et la pauvreté de l’économie russe. Cela a conduit à ce qui était supposé être des mesures d’urgence, mais est en fait devenu permanent – et a éliminé toute véritable démocratie dans l’Union soviétique, comme dans l’ensemble des partis communistes contrôlés par la direction stalinienne.
« Ce que nous avons vu y compris parmi de trop nombreuses organisations anti-staliniennes, engagées dans la voie du socialisme révolutionnaire, ce sont – au nom du léninisme et du « centralisme démocratique » – des pratiques qui rompent avec la possibilité du type de démocratie interne qui semble avoir existé, historiquement, dans l’organisation de Lénine. Une telle démocratie interne est une caractéristique qui a permis aux bolcheviks de devenir le type de force révolutionnaire qui a triomphé en 1917. Une des raisons de la décevante absence de ce type de démocratie dans de nombreux groupes révolutionnaires relativement petits, au cours des dernières années, peut avoir un rapport avec un défaut dans la conception que ceux groupes ont d’eux-mêmes. Certains fonctionnent plus ou moins comme des sectes, créant leur propre univers politique qui englobe une auto-conception selon laquelle ils constitueraient « l’avant-garde révolutionnaire » (ou le groupe, politiquement correct, autour duquel cette avant-garde doit se former). L’avenir que l’on espère est souvent vu comme préservant l’autorité et la pureté idéologique de sa propre précieuse organisation. Cela peut engendrer des rigidités idéologiques et organisationnelles qui déforment la façon dont le centralisme démocratique (en particulier la « pleine liberté de discussion ») peut être compris et pratiqué.
« Si notre auto-conception est que nous n’avons pas encore un parti révolutionnaire (pas même son embryon), et que le but est d’aider à créer les préconditions qui rendraient possible l’émergence d’un tel parti, cela peut encourager un type de pratique interne différent, s’harmonisant dans une certaine mesure à la façon dont ont agit envers ceux qui sont extérieurs à notre groupe. Un objectif premier serait de favoriser toujours plus de réflexion, d’expérience et de créativité parmi ses propres camarades, comme parmi d’autres, en tant que camarades militant ensemble dans le but de devenir une force capable de remettre en cause le capitalisme. Il y a en fait des indications selon lesquelles un tel processus prolongé de pré-parti – même dans des conditions de clandestinité – a existé au cours des années 1890 et au début des années 1900 parmi les révolutionnaires d’orientation marxiste, créant une sous-culture qui a nourri une authentique démocratie interne au moment où le Parti ouvrier social-démocrate de Russie (et sa fraction bolchevique) ont finalement pris forme.
« L’une des révolutionnaires en devenir de cette époque, Eugenia Levitskaya, s’était souvenue plus tard : ‘‘En passant en revue dans mon esprit la masse des camarades que j’ai eu l’occasion de rencontrer, je ne puis me rappeler d’un seul acte répréhensible, méprisable, d’une seule tromperie ou mensonge. Il y avait des frictions. Il y avait des différences de tendances et d’opinions. Mais pas davantage. D’une façon ou d’une autre, chacun prenait soin de lui-même moralement, devenait meilleur et plus attentionné dans cette famille amicale.’’ On retrouve ce type de dynamique dans un contexte différent, bien des années plus tard, quand le vétéran révolutionnaire James P. Cannon commente : ‘‘La véritable manière d’être un socialiste consiste à anticiper l’avenir socialiste ; à ne pas attendre qu’il soit réalisé mais à s’efforcer, ici et maintenant, et autant que les conditions de la société de classe le permettent, de vivre comme un socialiste ; de vivre sous le capitalisme en fonction des valeurs supérieures de l’avenir socialiste.’’ Une description vibrante de cette sous-culture de camaraderie en vigueur parmi les révolutionnaires russes a été faite à travers le livre de Maxime Gorky de 1906, La Mère. Une figure centrale de cette sous-culture, Lénine, écrivait dans Que faire ? que l’idéal organisationnel de 1902 était ‘‘un corps de camarades uni et compact, dans lequel prévaut la plus totale confiance mutuelle’’. Même au milieu des polémiques les plus dures parmi les communistes russes de 1920, Lénine citait Trotsky – avec lequel il avait alors un désaccord profond – pour souligner que ‘‘la lutte idéologique à l’intérieur du parti ne signifie pas un ostracisme mutuel mais une influence mutuelle’’.
« L’un des éléments les plus importants dans cette sous-culture doit, je pense, être une inclusivité qui, de façon persistante et insistante, travaille à surmonter, dans l’organisation révolutionnaire, les oppressions et divisions engendrées par le racisme, le sexisme, l’hétérosexisme et d’autres dynamiques destructrices des relations humaines au sein de la société. A certains moments, cela peut générer des tensions et conflits pénibles. Une façon de procéder qui soit scrupuleusement démocratique, combinée à un haut niveau d’attention aux autres, est nécessaire pour aider à maintenir l’équilibre et la cohésion de l’organisation tandis quelle travaille résolument à obtenir des résultats fructueux.
« Cette sous-culture d’ensemble contribue à la réalisation de ce qui est la tâche première de toute organisation révolutionnaire digne de ce nom : le développement durable des cadres. Par ce terme de ‘‘cadre’’, j’entends des militants expérimentés, formés théoriquement, capables de s’orienter sur la base d’analyses, ayant des compétences pratiques en matière d’organisation, qui soient capables de gagner de nouveaux membres à l’organisation révolutionnaire et de les former, ainsi que de contrbuer à développer l’intervention dans les mouvements larges pour le changement social. Cela implique de connaître certaines choses de l’histoire de la lutte des classes et des luttes de libération, d’avoir cxonscience des réalités politiques et économiques de la société, de savoir comment évaluer une situation, comment interagir avec d’autres pour aider à leur transmettre ces connaissances, comment organiser des réunions et des actions politiques. Ce dont il s’agit est de développer de telles qualités chez un nombre croissant de camarades. Le développement de ces cadres durables est essentiel pour toutes les luttes réelles ouvrant la voie à la possibilité d’une révolution socialiste. »
Un(e) camarade a insisté sur le fait que notre modèle ne devrait pas être le Parti ouvrier social-démocrate de Russie du début des années 1900, mais le Parti bolchevique de 1917. Nous avons besoin d’un parti de combat, pas d’un club de discussion. Ma réponse : oui, nous avons besoin de l’équivalent du parti révolutionnaire qui a fait la révolution de 1917, mais la question est comment y parvenir. On ne peut pas simplement faire un choix, « ah, nous voulons ceci plutôt que cela ». Nous devons passer par le processus qui nous amène là où nous voulons aller – nous devons travailler dur afin de créer les préconditions pour la cristallisation d’un tel parti, nous ne pouvons pas sauter par-dessus ce processus sans générer des dynamiques sectaires et problématiques au niveau interne. Le reconnaître n’est pas dire que nous ne devrions être qu’un « club de discussion » – le parti russe du début des années 1900 n’était pas qu’un club de discussion.
Un(e) camarade a souligné la nécessité du centralisme démocratique – liberté de discussion bien évidemment, mais ensuite unité dans l’action, Une fois qu’un vote est intervenu, il doit être contraignant. Ma réponse : oui, nous avons besoin de l’unité dans l’action. Quand un vote a lieu à propos d’une action spécifique dans la lutte des classes, la décision doit être appliquée. Mais c’est qualitativement différent d’un vote destiné à fermer et interdire une discussion, contre la volonté de centaines de camarades. Cela, ce n’est pas l’unité d’action dans la lutte des classes. Il y a mieux à faire si l’on veut comprendre et utiliser le centralisme démocratique. Il doit y avoir pleine liberté de discussion et unité dans l’action.
Un(e) camarade a estimé qu’il y avait d’importantes différences entre Marx et Lénine, et que les léninistes comprennent qu’il est parfois nécessaire de suspendre la démocratie – comme Lénine et ses camarades l’ont fait quand ils ont dissous l’Assemblée constituante, après avoir pris le pouvoir en 1917. Ma réponse : je ne comprends pas l’affirmation sur les différences entre Marx et Lénine –dans tous les cas, la démocratie était centrale pour l’un comme pour l’autre. Lénine a défendu la dissolution de l’Assemblée constituante non parce qu’il pensait que la démocratie devait être suspendue, mais parce qu’il considérait les soviets, les conseils démocratiques, comme étant plus démocratiques. Dès le début et durant toute la révolution russe, Lénine a été profondément et conséquemment en faveur de la démocratie. Cela n’a changé qu’avec les développements terrifiants de 1918 et 1919, quand un océan d’immondices a tout recouvert : les invasions militaires, un blocus économique international, une guerre civile extrêmement brutale financée par les pouvoirs étrangers, l’effondrement économique – jusqu’au point où la possibilité d’une démocratie s’est effondrée et où les révolutionnaires ont dû se centrer, désespérément, sur le fait de simplement tenter de survivre. Mais durant l’essentiel de la vie de Lénine, la démocratie a été centrale dans le fonctionnement de son organisation. Pour moi, la question n’est pas de savoir si nous devrions ou ne devrions pas être léninistes. Nous sommes léninistes. La question est : comment œuvrons-nous au mieux pour faire avancer le processus consistant à créer les préconditions pour un parti révolutionnaire, et comment construisons-nous ce parti ?
Un(e) camarade a contesté la description qu’elle jugeait idéalisée de la vie interne du parti, en affirmant qu’un parti révolutionnaire ne peut pas être l’embryon de la future société socialiste. Ma réponse : oui, c’est vrai. Mais ce que je dis n’est pas que nous devrions créer dans notre organisation l’équivalent du socialisme – ce qui n’est pas possible. Ce que je dis est qu’il y a certaines valeurs démocratiques et humanistes qui sont en rapport avec nos objectifs socialistes, certaines manières de fonctionner et de traiter nos propres camarades, et d’autres gens également, qui devraient être constituantes de la vie interne de nos organisations révolutionnaires.
L’un des points abordés dans mes remarques conclusives a été le fait que la perte de membres, de cadres, qui semble probable tant que les choses ne changent pas, serait dévastatrice parce que pour une organisation révolutionnaire, ils représentent de l’or. S’il s’avère toutefois qu’une division intervient dans l’organisation, il sera alors important, pour les camarades situés des deux côtés de la scission, de faire tout leur possible pour apprendre de leur expérience, l’évaluer et poursuivre le combat contre l’oppression et l’exploitation, pour le socialisme. L’histoire des révolutionnaires russes nous montre que, pour une part sur la base des expériences acquises à travers des chemins différents, des révolutionnaires qui se sont séparés peuvent se réunir dans la lutte et, à un certain moment, lorsque l’on approche d’une révolution socialiste, dans une organisation commune.
Conclusions
Je me suis bien rendu compte qu’il m’était beaucoup plus facile d’envisager avec calme les disputes dans et autour du SWP dans la mesure où je ne suis pas, ni n’ai jamais été, membre du SWP ou adhérant à la tradition « socialisme international ». Je trouve que l’un et l’autre renferment des éléments de valeur, mais ma vie et mes espoirs ne se sont jamais investis en eux comme c’est le cas pour les camarades avec lesquels j’ai passé ces journées. La passion, la colère et la fureur (contenues ou non), si évidentes dans beaucoup de ce que j’ai vu, n’entrent pas dans mes propres sentiments. Mais si cette relative absence d’intimité peut me donner d’une certaine manière un sens plus important de la perspective, cela peut aussi me rendre plus difficile de comprendre des personnalités et des relations, de percevoir des dynamiques d’égos et des cadres de comportements qui peuvent expliquer une partie de ce qui est en train de se passer.
Des révolutionnaires sérieux ont cependant pour responsabilité, face à des développements difficiles, dévastateurs ou décevants qui interviennent parmi ceux que l’on considère comme des camarades, de développer un sens des perspectives. Il est important de déchiffrer les signifiants politiques plus généraux, en situant de telles expériences dans le cadre de ce que des vétérans du marxisme ont appelé « la mémoire longue de l’Histoire ». Trois points me viennent à l’esprit pour conclure.
Premièrement, ce qui arrive au SWP britannique ne peut pas être attribué à des qualités intrinsèques du léninisme. Si l’on examine d’autres traditions idéologiques et politiques (les religions de tout type, les institutions et mouvements scientifiques, les institutions qui se prétendent démocratiques, les partis sociaux-démocrates et travaillistes, les cercles anarchistes – sans compter les monarchies, les entreprises capitalistes, etc.), on peut y trouver nombre de dynamiques négatives. D’un autre côté, il y a des variantes de « léninisme » et des formes de centralisme démocratique qui ont aidé les militants révolutionnaires à transcender beaucoup d’éléments négatifs et de limites, en facilitant le travail en commun effectif des camarades, en impliquant toujours plus de gens dans la lutte, en libérant les énergies créatrices des travailleurs et des opprimés dans des luttes qui arrachent des victoires ici et maintenant, tout en faisant avancer le combat pour le socialisme. C’est ce que l’on constate à travers le fonctionnement de Lénine et de ses camarades jusqu’au début des années 1920, et d’autres exemples peuvent également être trouvés.
Deuxièmement, les véritables développements historiques desquels le dit « parti léniniste » a émergé ont été décrits et documentés à travers plusieurs sources qui nous sont disponibles. Comme Lénine le démontre dans La Maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), c’est un processus qui s’est développé sur de longues années, qui a impliqué la cristallisation d’une couche d’avant-garde consciente de la classe ouvrière (dont une partie est devenue la base sociale du bolchevisme), le développement d’une relation intime entre l’organisation bolchevique et des masses de travailleurs et d’opprimés, ainsi que le développement d’un programme révolutionnaire qui avait du sens dans le contexte spécifique de la Russie. Vouloir imposer une « discipline » en dehors d’une telle réalité, en prétendant que l’on aurait déjà créé un parti révolutionnaire, ne peut que finir, comme Lénine l’avait souligné, en gesticulation et en farce, et tombe à plat. Le parti dont nous avons besoin n’existe pas encore, et notre première tâche en tant que révolutionnaires est d’aider à créer les préconditions qui permettront de le faire exister. L’un des aspects de cette tâche consiste à développer des cadres toujours plus éduqués, expérimentés, compétents, ayant un esprit critique, énergiques – dans un groupe révolutionnaire comme dans les mouvements plus larges, les organisations et les luttes qui aident à faire avancer la cause des travailleurs et des opprimés. Il y a besoin de développer des modes de fonctionnement démocratiques et collectifs pour aider à nourrir de telles qualités parmi de plus en plus de gens, dans comme en dehors d’un groupe révolutionnaire particulier.
Troisièmement, et en rapport avec cette tâche de développement des cadres à un niveau large et vers l’extérieur, se trouve la nécessité de s’immerger dans les lutte des classes réelle. Tout en faisant des efforts sérieux de formation révolutionnaire, nous devons nous impliquer dans les luttes sociales de masse d’ici et maintenant, donc des luttes qui sont clairement pour des réformes. Cela ne peut pas être écarté en tant que « mouvementisme » ou « réformisme de gauche ». Rosa Luxemburg l’avait bien expliqué : « La lutte quotidienne pour des réformes, pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs dans le cadre de l’ordre social existant, et pour des institutions démocratiques, offre au mouvement socialiste un lien indissoluble. La lutte pour les réformes est son moyen ; la révolution socialiste, son but. » Des initiatives telles que, par exemple, la People’s Assembly, devraient être soutenues et impulsées à fond. C’est ce type de travail qui peut aider à créer les préconditions pour un parti révolutionnaire. Quoique les camarades britanniques décident s’agissant du SWP, il sera décisif que tous s’engagent dans cette lutte concrète.
[2] http://marxismfestival.org.uk/
[3] http://internationalsocialistnetwor...
[4] http://anticapitalists.org/
[5] http://www.counterfire.org/
[6] Voir http://links.org.au/node/3444 (intervention d’Ahmed Shawki, de l’ISO, sur « le legs de la Tendance socialiste internationale »).
[7] En fait il semble que le dirigeant en question ait démissionné du SWP à peu près au moment où ce rapport était publié – voir http://sovietgoonboy.wordpress.com/... [note du traducteur].
[8] http://thepeoplesassembly.org.uk/
[9] Disponible sur ESSF (article 29362), Britain: People’s Assembly Against Austerity – A call.
[10] http://www.counterfire.org
[11] Voir sur ESSF (article 28227), Great Britain: The Labour party has failed us. We need a new party of the left.
[12] http://socialistresistance.org/
[13] http://revolutionarysocialism.tumblr.com
[14] Si l’on vérifie ce que Rees a effectivement dit sur le site de la People’s Assembly, on trouve ce qui suit : « Certains veulent croire qu’il y a des formes de protestation qui sont supérieures aux autres, que l’action directe est supérieure à la manifestation, que les grèves sont meilleures que les manifestations, que l’action directe est supérieure à la grève. Ne soyons pas ridicules ! Nous avons besoin de toutes ces formes d’action, de chacune d’entre elles. Nous allons avoir besoin de briser ce gouvernement. Et si nous voulons briser ce gouvernement, nous aurons besoin de manifester, de faire grève, de mener des actions directes… »